Avec la crise sanitaire devenue crise économique profonde, les banques de la zone Euro ont bénéficié de soutien de la part des autorités prudentielles et apportent leur soutien à l’économie. Les réformes réglementaires mises en place suite au Covid-19 permettront-elles aux banques de bien traverser la crise ?

L’Autorité bancaire européenne (ABE) a publié dernièrement une évaluation préliminaire de l’impact du COVID-19 sur le secteur bancaire de l’UE. L’économie mondiale étant confrontée à des défis sans précédent, les banques sont entrées dans la crise sanitaire avec de solides réserves de capitaux et de liquidités et ont géré la pression sur les capacités opérationnelles en activant leurs plans d’urgence.

La crise devrait affecter la qualité des actifs et, par conséquent, la rentabilité des banques à l’avenir. Néanmoins, le capital accumulé par les banques au cours des dernières années ainsi que l’allégement de capital accordé par les régulateurs s’élèvent en moyenne à 5p.p. au-dessus de leurs besoins globaux en capital (OCR).

Ce « coussin » de fonds propres devrait permettre aux banques de résister face aux pertes engendrées par du risque de crédit découlant d’une analyse de sensibilité basée sur le test de résistance établi en 2018.

Il est clair que l’écosystème financier a tiré des leçons des dernières crises et les banques sont entrées dans la crise COVID-19 plus capitalisées et avec une meilleure liquidité par rapport aux crises précédentes. Contrairement à la crise financière mondiale (GFC) de 2008-2009, les banques détiennent désormais des réserves de capital et de liquidité plus importants. Le ratio Common Equity Tier 1 (CET1) est passé de 9% en 2009 à près de 15% au quatrième trimestre 2019, y compris un coussin de gestion supérieur aux exigences de fonds propres globales et le Pilier 2 Guidance (P2G) d’environ 3% en moyenne des actifs pondérés en fonction des risques ( RWA).

Outre les vastes coussins de gestion, les mesures liées aux fonds propres mises en place par les régulateurs de l’UE pour atténuer les effets de la crise libéreront environ 2% des RWA. De même, avant la pandémie, les ratios de couverture de liquidité (LCR) des banques étaient en moyenne proches de 150%, nettement au-dessus du minimum réglementaire.

La crise du COVID-19 aura un impact négatif sur la qualité des actifs. À mesure que la crise se développe, les banques sont susceptibles de faire face à des volumes croissants de prêts non performants (NPL), qui peuvent atteindre des niveaux similaires à ceux enregistrés au lendemain de la crise de la dette souveraine. Une analyse de sensibilité basée sur le test de résistance 2018 de l’ABE suggère que les pertes liées au risque de crédit pourraient représenter jusqu’à 3,8% des RWA.

Ainsi, le secteur bancaire compterait en moyenne sur suffisamment de capitaux pour couvrir les pertes potentielles sous le choc de risque de crédit le plus sévère tout en maintenant un tampon équivalent à 1,1p.p. des RWA au-dessus de leur OCR.

Les garanties d’État introduites dans de nombreuses juridictions pourraient atténuer cet impact tandis que les lignes directrices de l’ABE sur les moratoires sur les prêts éviteront la classification automatique des expositions affectées comme faisant l’objet d’une abstention ou d’une défaillance.

Néanmoins, les banques devraient veiller à ce qu’une évaluation appropriée des risques continue à être effectuée. La mesure dans laquelle les banques seront affectées par la crise devrait varier considérablement, en fonction de l’évolution de la crise, du niveau de capital de départ de chaque banque et de l’ampleur de leurs expositions aux secteurs les plus touchés. Les autorités compétentes devraient remédier rapidement à toute faiblesse idiosyncratique qui pourrait être exacerbée par la crise actuelle.

Les banques utilisent leurs tampons de liquidité et devraient continuer à les utiliser dans les prochains mois. Depuis février 2020, les conditions du marché du financement se sont considérablement détériorées, les écarts se creusant considérablement et les nouvelles émissions de titres de créance non garantis s’arrêtant presque jusqu’à la mi-avril. Dans ces circonstances, les banques ont considérablement accru leur recours aux financements des banques centrales. Les banques devraient également utiliser leur ample réseve de liquidités dans les mois à venir.

La résilience opérationnelle des banques est mise à rude épreuve. À la suite de l’éclatement de la pandémie, les banques ont activé leurs plans d’urgence, ce qui leur a permis de garder leurs fonctions principales largement inchangées. Cependant, le traitement de gros volumes de demandes de moratoires sur la dette et de prêts garantis, et la préparation insuffisante de certaines unités offshore pour travailler à distance ont ajouté une certaine pression sur leurs capacités opérationnelles…

En l’état actuel du niveau des fonds propres au bilan des banques de la zone euro, soit 2 500 milliards d’euros sur 34 000 milliards d’euros de total de bilan, il suffirait que 21 % des 11 700 milliards de prêts à l’économie ne soient pas remboursés pour les faire tomber à zéro.

Ce taux de 21 % est certes éloigné de la moyenne des taux de prêts non performants en Europe à la veille de la crise sanitaire, mais, comparé aux 18 % de prêts non performants qu’affichait l’Italie en 2015, dans une période autrement moins compliquée que celle d’aujourd’hui, il n’a malheureusement rien d’invraisemblable.

Par bien des aspects, il fournit même une approximation très optimiste. Car il ne tient compte ni des risques de marché (risques de pertes liées aux activités de marché), ni des risques opérationnels (risque de panne informatique, de piratage, d’erreur humaine, etc.), pourtant eux aussi augmentés par la crise sanitaire. Il repose, en outre, sur un calcul simple et agrégé, qui masque des situations individuelles par pays et par établissement nécessairement contrastées. Et il est issu d’un raisonnement statique, qui ne prend nullement en compte les effets de contagion et d’amplification, qui pourraient accélérer l’augmentation des taux de défaut.

Bref, il n’est donc pas impensable que les fonds propres d’un certain nombre de banques européennes soient épuisés par les conséquences de la crise sanitaire et qu’il faille gérer une crise d’insolvabilité.

Il faudrait alors enclencher le mécanisme de résolution (MRU), autre volet des réformes bancaires post 2008. Après mobilisation des créanciers des groupes bancaires concernés pour au moins 8 % des pertes, le Fonds de résolution unique (FRU) pourrait alors être mobilisé à hauteur de 40 milliards environ (sa dotation actuelle égale à 80 % des 55 milliards dont il disposera en 2024 lorsque son abondement sera complet), ce qui ne représente cependant qu’à peine 2 % des fonds propres des banques de la zone euro. Un montant bien insuffisant s’il fallait procéder à une recapitalisation de plusieurs groupes bancaires en même temps, alors même que, d’après le Comité européen du risque systémique, la probabilité qu’au moins deux grandes banques européennes fassent défaut a franchi la barre des 5 % au cours du mois de mars 2020 et continue d’augmenter rapidement.

Au cas où le mécanisme de résolution ne suffirait pas, le Mécanisme européen de stabilité (MES) pourrait à son tour contribuer au sauvetage des banques via des recapitalisations directes et indirectes. Mais le pourrait-il suffisamment ? L’instrument de recapitalisation bancaire du MES se limite à 60 milliards d’euros et dans l’accord du 9 avril, rien ne vient préciser quelle part des 500 milliards de capacité totale du MES pourrait servir à aider les banques en difficulté.

Et si enfin la combinaison du MRU et du MES se révélait insuffisante, c’est alors le cercle vicieux entre risque bancaire et risque souverain, que l’Union bancaire entendait casser, qui pourrait faire sa réapparition, étant donné que la charge retomberait sur chaque État. Avec au final, le risque d’une nouvelle crise des dettes souveraines en zone euro…

Telle pourrait être l’issue, certes la plus défavorable mais pas la moins probable, des retombées de la crise sanitaire sur le secteur bancaire européen. Un retour à la situation antérieure aux réformes entreprises après 2008 pour rendre le secteur bancaire plus sûr, qui forcerait à constater leur insuffisance.

On pourra toujours se consoler en se disant que ces réformes n’avaient assurément pas été dimensionnées pour faire face à un désastre économique comme celui engendré par cette crise sanitaire inédite. Histoire de mieux faire oublier qu’elles n’auraient sans doute même pas été à la hauteur d’une simple réédition d’une crise financière systémique.


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By Lamiae Kettani
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