La loi n°103.12 relative aux établissements de crédit et organismes assimilés, plus connue sous l’appellation de « loi bancaire » a été adoptée en novembre 2014 puis publiée dans la version arabe du Bulletin Officiel (n°6328) et la version française (n°6340) le 5 mars 2015. Retour sur une loi-pivot du nouveau paysage des établissements de crédit et des établissements paiement au Maroc.

Une loi attendue

Les intermédiaires financiers marocains et surtout les acteurs bancaires attendaient l’entrée en vigueur de la loi bancaire pour lancer de nouveaux services et produits en matière de finance participative, de micro-crédit et de nouveaux moyens de paiement.

Cette nouvelle était particulièrement attendue par les acteurs souhaitant innover dans le domaine des paiements ainsi que par certains segments de clientèle. La nouvelle loi bancaire répond notamment aux besoins des MRE ou marocains résidants à l’étranger d’avoir une offre bancaire ou de moyens de paiement plus ciblée que les offres traditionnelles : moins chères et plus faciles à gérer à distance. La loi pose également un cadre réglementaire pour les offres à destination des Low Income Banking customers, ou ménages à revenus limités. Enfin, cette loi permet d’intégrer les segments de population soucieux de financer leurs projets ou achats immobiliers avec des offres conformes à la sharia comme proposé désormais par les banques participatives ou fenêtres participatives.

Une loi dense

La nouvelle loi bancaire marocaine couvre principalement les champs suivants :

• Le champs d’application et le cadre constitutionnel
• L’agrément des établissements de crédit
• Les banques participatives
• Les règles prudentielles et le contrôle des établissements de crédit
• La gestion des risques systémiques
• La question des intermédiaires dans les opérations
• Les sanctions

Elle introduit également plusieurs nouveautés. En effet, la nouvelle loi consacre le nouveau statut d’établissement de paiement et fixe les conditions d’octroi des agréments. Les établissements de paiement sont ainsi définis comme « ceux qui offrent un ou plusieurs services de paiement et peuvent également, dans le respect des dispositions législatives et réglementaires en vigueur exercer les opérations de change ». L’entrée en scène des banques participatives est une autre innovation notable.

Par ailleurs, de nouvelles règles prudentielles sont mises en place, et ce dans l’objectif d’harmoniser les pratiques bancaires marocaines avec les normes mondiales, notamment avec les normes de Bale III. La gestion des risques systémiques fait l’objet d’un intérêt particulier par la nouvelle loi qui attribue cette mission au « Comité de Coordination et de Surveillance des Risques Systémiques » créé par la nouvelle loi.

Une différence notable avec le cadre juridique européen

La nouvelle loi bancaire permet aux acteurs du secteur de s’aligner sur les normes internationales, notamment la directive européenne sur les établissements de paiement.

Il convient cependant de relever une différence essentielle avec le cadre européen. En effet, la loi bancaire marocaine ne consacre aucun statut particulier pour la création et la gestion de la monnaie électronique. En l’absence de la création d’un statut d’établissement de monnaie électronique, il apparait que le législateur marocain considère que tout « moyen de paiement stocké sur un support électronique » est un service de paiement à part entière. Au regard de la loi marocaine (tout comme la loi française), un établissement émettant ou gérant de la monnaie électronique est donc éligible au statut d’établissement de paiement.

Retombées de la loi bancaire pour les établissements de paiement utilisant la monnaie électronique

La nouvelle loi bancaire marocaine entraine plusieurs retombées affectant ces établissements de paiement. On peut d’ores et déjà distinguer trois conséquences non négligeables que plusieurs acteurs appréhendent.

1er obligation : Les établissements de paiement ont pour devoir de réconcilier de manière permanente les fonds placés sur les comptes de paiement et ceux dans un établissement de crédit agréé.

• Pour remplir cette obligation, les établissements de paiement doivent assurer une traçabilité complète des fonds collectés et mettre en place un système d’information conjoint avec l’établissement de crédit partenaire.

2ème obligation : Les établissements de paiement doivent garantir une rigoureuse équivalence entre la monnaie électronique émise et les fonds qui sont remis en contrepartie.

• Pour remplir cette obligation, les établissements de paiement doivent avoir une visibilité en temps réel sur les comptes de paiement.

3ème obligation : Les établissements de paiement ont pour devoir de garantir le plus bas niveau de risque possible d’où la nécessité de mettre en place un dispositif de comptabilité générale et de contrôle interne.

Pour remplir cette obligation, Bank-Al-Maghrib a imposé aux établissements de paiement un reporting plus fréquent de leurs états de synthèse auxquels il faut joindre les rapports des commissaires aux comptes. Cette dernière obligation est jugée particulièrement contraignante par plusieurs établissements.

La nouvelle loi bancaire marocaine apparaît comme une tentative du législateur d’accompagner les banques marocaines traditionnelles dans leurs problématiques de transformation et d’inciter de nouveaux acteurs locaux ou étrangers à entrer sur le marché.