La finance fait partie des principaux secteurs à avoir tirer parti des registres blockchain. Et pour cause : suite à l’engouement généré par le Bitcoin et les cryptomonnaies dès l’année 2014, les institutions financières ont rapidement compris leur intérêt à surfer sur la vague avant que celle-ci ne les submerge. Un repli stratégique défensif qui fait sens, et a d’ores et déjà pu donner naissance à plusieurs projets de blockchains dans le secteur de la finance.

Comme nous l’avons déja expliqué dans un article précédant, une blockchain permet de gérer des transactions de manière sécurisée et infalsifiable. C’est donc tout naturellement qu’elle intéresse les acteurs du secteur financier, et en particulier de la finance de marché, qui réclame un niveau de confiance important des investisseurs. A l’heure actuelle, plusieurs cas d’usage des technologies de blockchain ont été identifiés dans la finance de marché :

  • Le financement du commerce international : celui-ci est complexe et nécessite un accès à la documentation permettant d’attester la livraison à bon port d’une marchandise avant d’en effectuer le paiement. La mise en place d’un smart contract permet d’automatiser le paiement des transactions internationales lorsque l’ensemble des conditions sont réunies. Un test déjà réalisé par la Commonwealth Bank of Australia (CBA) avec la livraison de plusieurs tonnes d’amandes en juillet 2018
  • La chaîne post-marché des titres : actuellement, le dépositaire central est seul à tenir le registre des différents titres en circulation. Un registre blockchain pourrait permettre de supprimer le besoin d’un dépositaire central ainsi que de tous les intermédiaires permettant d’y accéder, en permettant de matérialiser tous les transferts de propriété sur un registre entièrement distribué
  • La sécurisation des dérivés OTC et transactions « securities finance » : A l’heure actuelle, on constate un manque de transparence quant à l’identité des titulaires de la propriété des contrats. Un registre distribué permettrait de faciliter le travail des régulateurs en mettant sur pied un trade repository, de sorte à assurer une traçabilité complète des différents contrats et de tous leurs transferts de propriété.

Le financement privé en capital ou en dette des entreprises : la naissance des ICO (Initial Coin Offering) a donné naissance à une nouvelle manière de participer au capital d’une entreprise non cotée en bourse. La tokenisation des entreprises et la multiplication des tokens de type « equity » ou « securities » permettent aux citoyens de s’échanger des titres d’entreprises de gré-à-gré sur des marchés non côtés. Le risque est bien entendu très élevé, cependant la décentralisation permet de réduire les commissions reversées aux places de marché centralisées.

L’utilisation de l’architecture blockchain par les banques torture l’idéal de décentralisation tel que Satoshi Nakamoto le conçoit lorsque celui-ci crée le réseau Bitcoin. Alors que les systèmes d’échange décentralisés comme les blockchains visent initialement à pouvoir se passer des banques en échangeant des cryptomonnaies en pair-à-pair, celles-ci cherchent aujourd’hui à tourner la situation à leur avantage pour tirer parti d’une technologie qui semble pouvoir les servir.

Certains projets de blockchain sont ainsi poussés par les banques autant qu’ils sont décriés par la communauté des crypto-enthousiastes. C’est particulièrement le cas du protocole Ripple, poussé par un consortium de banques car proposant une solution concurrente à Swift pour accélérer les transactions bancaires internationales.

Conçue pour les banques, Ripple est sans doute la blockchain la plus critiquée au sein de la communauté libertarienne, puisque le projet détourne l’utilisation originelle de la technologie de Bitcoin à des fins strictement opposées. Au yeux des puristes, l’association entre « blockchain » et « finance » n’a de sens que si l’on considère le potentiel des cryptomonnaies comme Bitcoin, seules à être véritablement disruptives en proposant un modèle organisationnel foncièrement nouveau.

Parmi les différents cas d’application des registres blockchain, l’assurance fait sans doute partie des secteurs les plus en avance. De nombreux cas d’usage ont d’ores et déjà été déployés et sont opérationnels. Tour d’horizon des pistes de réflexion du secteur sur l’utilisation des registres distribués.

Les technologies de blockchain ont parfois été considérées comme une menace pour le secteur de l’assurance, puisque nées d’une ambition de supprimer l’intervention des tiers de confiance. Pour autant, il est important de bien discerner les rôles de chacun afin de mieux comprendre ce que les registres distribués peuvent apporter au secteur.

Une blockchain n’est autre qu’une base de données destinée à sécuriser les échanges et à simplifier les processus de gestion. En fluidifiant les processus et en sécurisant les échanges, les bases de données blockchain rendent superflue l’intervention des intermédiaires de mise en relation, en l’occurence, les courtiers. Le rôle de conseiller serait alors la seule plus-value restante du métier de courtier, alors même que ce rôle de conseiller est largement critiqué parmi les assurés. Au delà des activités de mise en relation telles que le courtage, d’autres fonctions d’intermédiaires dans le secteur de l’assurance pourrait également être remises en question : c’est le cas, notamment, des délégataires de gestion, qui verront leur utilité s’amoindrir face à la fluidification des procédés.

Si les assureurs ne se sentent pas menacés par les technologies blockchain, c’est principalement parce qu’il est difficile de les considérer comme un tiers dont on pourrait aisément se passer. Etre assuré est aujourd’hui, dans la plupart des situations, une obligation légale, et il semble logique qu’une entité spécialisée puisse porter le risque pour l’assuré. 

L’émergence d’assurances P2P, apparues ces dernières années, viennent cependant remettre en question le format classique des pratiques assurantielles. Les blockchains pourraient faciliter le déploiement d’assurances P2P à grande échelle et voir ainsi entrer de nouveaux acteurs ayant la possibilité de se positionner sur le marché. Il s’agirait finalement d’une évolution du principe de mutualité, fondement de l’assurance.

Des projets de grande envergure mettant en jeu de très gros montants rendront cependant toujours préférable l’intervention de gros organismes assureurs capables de pouvoir porter un risque à hauteur de centaines de millions de dollars.

Les registres distribués comme les blockchains représentent donc davantage une opportunité qu’une menace pour les acteurs principaux du secteur de l’assurance. Facilitée, la gestion de contrats requerra moins de main d’oeuvre et devrait pouvoir aider les assureurs à se positionner sur des activités à plus forte valeur ajoutée. L’accélération des processus de décision et la diminution des coûts de traitement peut représenter de réelles opportunités pour proposer de nouveaux services aux assurés.

Blockchain et assurance : les cas d’usage

Les assureurs sont plusieurs à travailler sur des projets de blockchain et divers cas d’usage ont déjà pu être implémentés. Les principaux projets sont basés sur des smart contracts et concernent divers domaines de l’assurance : l’assurance P2P évoquée plus haut, les retards de vol, mais aussi l’assurance-vie ou encore l’assurance KYC.

Transparentes, infalsifiables et accessibles au public, les dApps offrent de nouveaux horizons pour basculer vers un modèle d’assurance collaborative. Certains acteurs se sont déjà positionnés sur ce créneau, comme Friendsurance . Son fonctionnement consiste à transformer des groupes d’assurés en communauté. Pour les petites prestations, le sinistre est couvert par le versement des primes. En cas d’excédent, les fonds communs sont redistribués en toute transparence. A l’inverse, en cas de prestations lourdes, l’assureur paie le surplus. Friendsurance est donc l’équivalent d’une mutuelle qui se couvre en réassurance sur les sinistres importants. Un business model intéressant pour faire évoluer le secteur de l’assurance vers un modèle plus collaboratif et plus décentralisé.

L’utilisation des smart contracts est particulièrement adaptée à l’industrie de l’assurance. Axa est la première à avoir élaboré et mis en marché un produit d’assurance basé sur un smart contract. Ce produit, nommé Fizzy, indemnise automatiquement le client en cas de retard de vol afin de leur faire systématiquement profiter de leur assurance de retard. Dans l’immense majorité des cas, les passagers assurés ne profitent en effet pas de cette assurance, faute de temps pour entamer la démarche d’une demande de remboursement, ou bien faute de pouvoir facilement justifier le retard du vol. Fizzy permet aux assurés d’être informés du montant de leur prime et de leur indemnisation en cas de retard. La blockchain est alimentée par des oracles pour contenir toutes les informations relatives aux heures de départ et d’arrivée des vols. Le smart contract déclenche alors un remboursement automatique pour tout retard de plus de deux heures.

Une blockchain peut également s’utiliser pour faciliter la conformité d’une loi. Afin de répondre aux obligations de la loi Ekert, qui impose aux assureurs de distribuer les sommes conservées des contrats d’assurance vie en déshérence aux ayant droits, les assureurs utilisent désormais de manière expérimentale un système d’oracles pour vérifier la survenue du décès des assurés à fréquence régulière. Chaque décès donne lieu à une indemnisation automatique des bénéficiaires du contrat. La situation se complexifie néanmoins lorsqu’il est nécessaire de changer les noms des bénéficiaires, puisque les informations écrites sur une blockchain sont en principe immuables.

Les assureurs ont également testé un processus de KYC pour faciliter le partage d’informations clients entre distributeurs, assureurs et réassureurs. IBM et le Crédit Mutuel Arkéa ont ainsi mis sur pied un écosystème de données afin de favoriser une meilleure connaissance de chaque dossier client pour proposer un service de meilleure qualité. Le même registre peut ainsi former une véritable institution assurantielle à partager avec chaque client concerné, afin de renforcer la confiance entre les deux parties.

Pour respecter la nouvelle réglementation européenne concernant la protection de données, ce projet devra s’adapter de sorte à être entièrement « RGPD Compliant ». Chaque blockchain KYC devra veiller à rendre possible l’effacement des données pour pouvoir appliquer le droit à l’oubli, et gérer rigoureusement l’accessibilité des dossiers pour assurer leur confidentialité.

La Blockchain n’en est encore qu’à ses débuts, il s’agit maintenant de commencer à bâtir les fondations pour pouvoir intégrer cette technologie dans les divers systèmes internes. Il faut pouvoir lier la Blockchain aux systèmes financiers, d’inventaires, de facturation, de logistique, et bien d’autres. 

Le cloud peut s’avérer être une des solutions à déployer pour faciliter l’intégration de la Blockchain. La puissance de calcul, de stockage et la versatilité du cloud peuvent permettre de faire une transition en douceur pour pouvoir intégrer la Blockchain.

Alors prêts pour prendre ce virage ?


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By Lamiae Kettani
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